•  

    Le roman d'Al Robertson se retrouve Auprès des livres : « C’est une critique assez féroce de notre société. »


    votre commentaire
  • [Deuxième post proposé et traduit par Al Robertson, à l'occasion de la parution de son premier roman, Station : La chute. Encore merci à lui.]

     

     

    J'aime les publicités dans la science-fiction, car elles peuvent faire tant de choses merveilleuses : elles peuvent construire des mondes, les subvertir et même les détruire.

    Regardons d'abord l’élaboration d’un monde. Les annonces publicitaires peuvent en dire beaucoup, très vite, sur un univers de science-fiction. Voici un de mes exemples préférés : une décharge d'information issue du Westworld original (oh, et je prends des exemples de films parce que les publicités sont avant tout visuelles et c’est chouette d’en regarder quelques-unes – et excusez-moi, je n’ai trouvé que des extraits sans sous titres ni doublage français).


    Eh bien, c’était  peut-être des robots...


    Les premières minutes de Westworld sont une longue campagne de promotion :




    Cette introduction fait un excellent travail de mise en place des lieux du film : on vous présente  très rapidement le monde médiéval, le monde romain et (bien sûr) le monde sauvage de l'Ouest. Mais elle agit aussi de manière un peu plus subtile. Elle vous fait progressivement vous sentir un peu mal à l'aise par rapport à ces mondes et aux gens qui les visitent. Ils ont tous utilisé la technologie pour vivre des fantasmes sans conséquence de sexe, de violence et de contrôle. Mais – en tant que spectateurs du monde réel – nous savons que les technologies tombent en panne et que les fantasmes, s’ils deviennent trop réels, peuvent échapper à tout contrôle. Et bien sûr, nous sommes tous naturellement suspicieux face à un enthousiasme aussi exagéré. L'annonce publicitaire se subvertit donc elle-même. Cela nous prépare à nous attendre à du grabuge, qui ne tarde pas à arriver dans le film.

    En fait, cette introduction permet d’élaborer le monde de Westworld de deux façons. Elle ne se contente pas de le décrire – elle indique également comment il va s’effondrer. Ce deuxième point est crucial. La publicité n'est pas seulement un outil de construction d’un monde très utile. C'est aussi un merveilleux outil critique du monde.


    J'achèterais cela pour un dollar


    Ce genre de critique imprègne les films RoboCop, des films qui savent très bien que la publicité nous montre ce dont  toute société se préoccupe le plus. Ils utilisent cette connaissance d'une manière violemment satirique. Voici une série d'annonces publicitaires extraites des films RoboCop originaux :





    Ces annonces publicitaires transpercent le monde qu'elles nous montrent. Les pubs pour le jeu Nukem et pour Magnavolt nous assènent son éthique de base – « Attaquez-les avant qu'ils ne vous attaquent ». Le spot pour Sun Block 5000 souligne la myopie personnelle et la cupidité irréfléchie des entreprises. Et le choc Godzillatastique du 6000 SUX transforme un petit plaisir égoïste en acte de consommation patriotique et fondé sur des principes (« Une tradition américaine - 35 litres aux 100 km »).

    Et bien sûr, comme toutes les meilleures satires, les films ne se contentent pas d'attaquer un monde imaginaire. Ils nous forcent également à réfléchir sur le  monde qui nous entoure. Qu’ont en commun notre propre marché libre, fortement privatisé, notre paradis écologiquement endommagé, et la dystopie de Robocop ? Dans quelle mesure ces publicités  pourraient-elles être insérées dans une coupure publicitaire actuelle ? On n’en est pas si loin, hélas !


    Quel logo d’entreprise courageux !

     

    Enfin, la publicité est une technologie de manipulation. Parfois, la manipulation est entièrement personnelle. Voici un exemple tiré de Serenity. Cette annonce publicitaire pour Fruity Oaty Bar contient un signal subliminal qui oblige River Tam à se révéler à l’Alliance :




    Elle regarde la pub, passe en mode combat et saccage tout. Le pouvoir de la publicité sur sa personnalité s’éveille, les méchants qui la poursuivent découvrent où elle se trouve et les clients (plus ou moins) innocents d'un bar se prennent une raclée.

    Bien sûr, l'annonce de River est une arme à un seul coup – elle est destinée à elle et à elle seule. Mais il existe de bien plus vastes apocalypses publicitaires. John Carpenter en a créé deux parmi les meilleurs. Voici tout d’abord la fausse pub la plus accrocheuse et la plus irritante jamais enregistrée :





    Dans le plutôt sous-estimé Halloween III : Le sang du sorcier, elle déclenchera toutes sortes de destructions quasi-païennes. Des tessons de Stonehenge, incorporés dans les masques de Silver Shamrock Halloween, seront activés par la publicité, lançant des essaims d'insectes et des serpents afin de tuer beaucoup de personnes et rétablir ainsi Samain comme une sinistre et brutale célébration des ténèbres. Oh, et il y a également des androïdes pervers (en plus d'être plutôt sous-estimé, Halloween III est aussi plutôt fou).

    Et pour un aperçu plus complet – et plus purement SF – de la force destructrice de la publicité, il y a  le classique Invasion Los Angeles. Les extraterrestres ont conquis le monde ! Ils nous reprogramment tous ! Personne ne s’en est vraiment aperçu ! OBÉISSEZ ! CONSOMMEZ !

    Finalement, notre héros débarque, saisit la bonne paire de lunettes de soleil et comprend la vérité :




    C'est une belle scène. En dehors de toute autre chose, c'est un excellent commentaire sur la façon dont la publicité est omniprésente dans notre monde moderne.

    Imaginez qu’un parti politique ou une religion nous ait assené ses messages de la même manière – nous serions tous profondément préoccupés par le lavage de cerveau. Mais en donnant plein d'espace public à un tas de personnes hautement créatives et ayant une compréhension approfondie de la psychologie du consommateur dans le but de nous vendre beaucoup de choses dont nous pouvons ou non avoir besoin ? Cela ne pose aucun problème...

    Ces deux films sont extrêmement méfiants vis à vis de la publicité, la percevant comme un type de contrôle social qui profite au vendeur et nuit au spectateur. Ils n'utilisent pas la publicité pour critiquer la société – ils la condamnent en tant que force qui la brise. La publicité devient le Grand Méchant qui doit être combattu et vaincu avant qu'il ne nous détruise tous.

    C'est pourquoi je fais toujours attention à la publicité dans la science-fiction. C'est génial pour construire un monde, pour le critiquer ou pour le détruire. Et maintenant, je vais aller voir des publicités du monde réel. Après avoir regardé toutes ces publicités fictives, je suis bien curieux de voir ce que des pubs réelles ont à dire sur notre propre version de la réalité...

    (Publié pour la première fois sur Gamesradar, avec leur aimable autorisation : http://www.gamesradar.com/guest-blog-keep-watching-ads/)


    1 commentaire
  •  

    Le roman de Jo Walton dans la Librairie fantastique : « Je conseille véritablement cet ouvrage à tout le monde. »


    votre commentaire
  •  

    Le voyage de Simon Morley de Jack Finney (dans son édition Folio SF) est sur le Fantasy index.


    votre commentaire
  •  

    Sur Space Fictions : « Bien plus qu’un puzzle, L’adjacent est le Rubik’s Cube des thématiques chères à l’auteur. »


    votre commentaire
  •  

    Gromovar remet en avant la critique qu'il avait faite de Chrashing Heaven, la VO de Station : La chute, et sa passionnante interview d'Al Robertson. « Embarque pour la Station, lecteur ! Tu ne le regretteras pas. »


    votre commentaire
  • [À l'occasion de la sortie de Station : La chute, Al Robertson, son auteur, a eu la gentillesse de nous proposer de traduire lui-même des posts de blogs qu'il avait pu faire lors de la sortie de la version originale du roman. Vous allez donc les retrouver sur le blog de Lunes d'encre dans les semaines à venir. Voici déjà le premier. Un grand merci Al !]

     

     

    Station: La Chute est un livre de science-fiction. Mais quand j'ai commencé à l'écrire, je pensais que je travaillais sur un roman de fantasy. Et maintenant que je l'ai fini, je le considère comme une fiction réaliste. Ce qui fait beaucoup de contradictions ! Mais je pense que ces trois genres fonctionnent plutôt bien ensemble, même si – à première vue – ils racontent des histoires très différentes de différentes façons.

    Donc, tout d'abord, qu'est-ce qui fait de Station: La Chute un livre de science-fiction ? Eh bien, il se passe sept cents ans dans le futur, son intrigue est essentiellement située sur une station spatiale géante en orbite autour de la Terre, beaucoup de ses personnages sont des intelligences artificielles d'une sorte ou d'une autre et tout le monde vit à l’intérieur d’une réalité augmentée omniprésente : la Trame. Oh ! et ses deux personnages principaux sont l'enquêteur/guerrier de l'espace Jack Forster et son acolyte, Hugo Fist, une IA de combat qui se manifeste sous la forme d’une marionnette virtuelle de ventriloque.

    Mais situer un livre dans un lointain futur ne suffit pas à en faire un livre de SF. Pour moi, la science-fiction existe pour réfléchir à l'impact social et personnel que peuvent avoir les nouvelles technologies. Elle regarde notre présent d’un point de vue futur. C'est vraiment ce que je voulais faire avec Station: La Chute : réfléchir à ce que notre immersion profonde dans les nouveaux médias, des marques de plus en plus envahissantes et le développement de nos propres intelligences artificielles pourraient signifier pour nous tous.

    Réfléchir à toutes ces choses m'a permis de réaliser qu’il devient de plus en plus facile de vivre dans des versions fantasmées du monde réel. Les médias en ligne modifient soigneusement le contenu que nous voyons, créant des bulles filtrantes toujours plus fermées pour chacun d’entre nous. Les entreprises commerciales font la même chose, nous cernant avec un marketing qui ne vise qu’à nous flatter, nous et nous seul. Le web lui-même est une hallucination consensuelle, un vaste monde de fantasy devenu réel parce que nous sommes tous d'accord pour penser qu'il devrait l'être.

    Quand  j'ai commencé à tracer l’intrigue de Station: La Chute, j'ai beaucoup pensé à tous ces fantasmes. Je me suis d’abord demandé comment les fondamentaux de la fantasy – les dieux se mêlant des affaires humaines, les auxiliaires magiques, les nouvelles races bizarres, etc. – pourraient être utilisés pour en parler. De manière assez surprenante, j’ai pu les projeter facilement dans un univers de science-fiction.

    Les dieux de la fantasy sont devenus les entités corporatives qui nous entourent. Ce sont des créatures d'un grand pouvoir qui surplombent notre société, créent nos aspirations et définissent la forme même de notre vie quotidienne. Les auxiliaires magiques sont devenus les outils technologiques qui nous aident à gérer le monde virtuel. Et les nouvelles races bizarres sont devenues les personnes que nous rencontrons en ligne – de nouvelles tribus nous apparaissant souvent comme totalement étrangères, nous obligeant à nous familiariser avec de nouveaux us et coutumes.

    J'ai versé tous ces ingrédients dans le monde de Station: La Chute. Jack et Fist vivent dans un monde dominé par les entreprises dotées d’intelligence du Panthéon – elles se manifestent et sont adorées comme des dieux. Fist est le familier de Jack, lui conférant un pouvoir occulte sur les technologies qui l'entourent. Et Jack et Fist sont aidés par les IA rebelles de la Totalité, une nouvelle race venue des confins  du Système solaire.

    J'ai donc fini par penser à Station: La Chute comme à un roman de fantasy autant que comme à un roman de science-fiction. C'est l'histoire d'une quête : celle d’un homme qui cherche à savoir pourquoi les dieux le persécutent et agit en conséquence, tout en rétablissant, au passage, la justice dans une contrée brisée.

    Voilà donc pourquoi  Station: La Chute est à la fois un roman de science-fiction et un roman de fantasy. Mais une histoire réaliste? Compte tenu de ce qui s’y passe, ça semble – c’est le moins qu’on puisse dire ! – un peu exagéré. Mais presque tout ce qui s'y passe prend ses racines dans l'expérience vécue de la vie moderne. C'est réaliste, non pas parce que c'est littéralement vrai, mais parce que c'est un miroir tendu à la modernité.

    Et, pensez-y, vous pourriez très bien dire que pratiquement toutes les histoires jamais écrites – peu importe qu’elles soient outrageusement inventives ou complètement folles – sont en fait entièrement réalistes. C'est parce qu’elles découlent de l'expérience du monde vécue par son auteur. C’est pourquoi, quelle que soit la façon dont l’intrigue évolue, il y aura toujours, au départ, quelqu'un qui est assis quelque part dans la réalité que nous partageons tous, en train de regarder autour de lui et de se demander quelles choses intéressantes il pourrait raconter sur ce qui l’entoure.

    En bref, qui que nous soyons par ailleurs, au fond, nous sommes toujours, avant tout, des réalistes !

    (Publié pour la première fois sur Scifinow, avec leur aimable autorisation : https://www.scifinow.co.uk/interviews/al-robertson-crashing-heaven-is-realist-sci-fi-fantasy/)


    2 commentaires
  •  

    C'est au tour du fictionaute de lire Station : La chute, « un excellent polar hardboiled moite et blafard, dans un environnement new-space-opera crédible et glacial, doublé d'une couche de réalité cyberpunk inspirée. »


    votre commentaire